Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/57

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descendre jusqu’aux entrailles de la terre. Comme dans le donjon, les chauves-souris effleuraient de leur vol mou les parois obscures sur lesquelles s’accrochaient les scolopendres et les digitales… Il faisait presque noir. Tout cela devenait très inquiétant. Grâce à Dieu, Pierre et Violette avaient des lanternes de poche qu’ils allumèrent. La lueur douteuse éclaira des coins mystérieux, des éboulis de sable entre lesquels s’alignaient de grands coffres aux contours incertains.

— Mon Dieu, qu’est-ce que c’est ? interrogea Violette. Des cercueils, peut-être.

— Non ! non ! Ce sont plutôt des coffres pleins d’or, répondit Pierre qui voulait la rassurer.

La pente descend toujours… Courageusement, les enfants continuent d’avancer. Un bruit formidable retentit que répercutent les échos de l’antre sinistre. Le noir devient plus noir derrière eux… Plus ce salut ! plus d’issue ! Toute seule, comme par enchantement, là-derrière, la porte de fer a roulé sur ses gonds et s’est refermée d’elle-même comme la gueule d’un monstre qui vient de bâiller.

Se souvenant de la scène du donjon, Pierre murmure d’une voix chargée tout à la fois d’angoisse et d’espoir :

— Sésame, ouvre-toi !

Rien.

— Sésame, ouvre-toi ! reprend Violette avec des larmes dans la voix.

Rien.

— Nous sommes prisonniers des nains, murmure la pauvre petite.

Cette fois, Pierre n’ose plus la rassurer.

Que dirait-il d’ailleurs, dans le décor tragique où tout s’unit pour jeter l’effroi dans leurs âmes, pour leur parler peut-être d’un éternel adieu au jour, à leurs parents, à la vie ?… La scène, en effet, atteint le paroxysme de l’horreur. Du fond de la caverne des rumeurs sinistres maintenant viennent glacer le cœur des pauvres petits.

Ce sont des bruits confus, inouïs, multipliés par les échos… Ce sont, dans cet antre de la mort, des roulements de tonnerre qui ébranlent leur prison visqueuse, des cliquetis d’armes, des ricanements diaboliques… et tout cela vient des torves couloirs, taillés dans le roc qui va peut-être devenir leur sépulcre.

Violette sanglote.

— Essayons tout de même d’ouvrir la porte ! implore-t-elle.

Les enfants rebroussent chemin. Mais à peine ont-ils fait quelques pas en arrière qu’une autre scène d’épouvante les laisse sans couleur, sans voix, le sang glacé.

À la porte de fer, d’autres coups assourdissants retentissent qui ébranlent les murs noirs et font trembler le sol où les enfants éperdus promènent leurs pas incertains. Les lanternes se sont éteintes. Dans cette obscurité profonde, ils entendent des voix furieuses. On cogne, on cogne à coups redoublés, on cherche à ébranler la porte massive. On crie, on jure, on tempête.

Quels sont les êtres fantastiques qui hurlent leur colère de ne pouvoir entrer ?

Les nains ? Non !

On sent bien que des mains puissantes agitent frénétiquement leurs longs doigts crochus. Non ! On sent bien que