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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/102

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LECONTE DE LISLE

jeune homme chaste aspirant à la hauteur des sentiments aux périodes troubles de l’adolescence, un besoin foncier de s’abstraire et de se généraliser dans l’élévation, un impérieux instinct de voir de haut et largement la réalité, un merveilleux orgueil de planer, un désir de force et de virilité aisément convertissable en générosité sociale.

*

Il passe son temps à s’analyser. Mais il est délicieux de constater comme il ne se connaît pas et comme sa nature échappe à ses théories, dément ses décisions, contrecarre ses préjugés, comme il y a constante contradiction entre ce qu’il s’imagine et veut être et ce qu’il est réellement. Il se croit « blasé » de la femme et il n’a cessé d’en être inquiet. Il se déclare à jamais « blasé » aussi sur la société, sur l’inutilité de publier des vers, il n’a plus d’illusion sur son siècle, mais il envoie des poèmes à la Revue des Deux-Mondes, il en attend la prochaine livraison dans l’impatience de voir si ces Messieurs l’ont imprimé, il écrit à l’éditeur de Lamartine à Paris pour lui demander de faire paraître un volume de poésie. Il doute de soi, il n’a « pas de pensées fortes », mais il réserve assez d’enthousiasme pour inviter Rouffet à travailler de concert avec lui à un ouvrage qu’ils intituleront le Cœur et l’Âme. Composé de pièces détachées et d’histoires poétisées, cet ouvrage, « bien imprimé, deviendrait l’ensemble raisonné et vraiment