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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/175

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cisément par paresse cérébrale, on se plaît à avoir de tous les créoles. Baudelaire, qui a voyagé en pays exotiques et intimement connu la mollesse créole, porte sur Leconte de Lisle un jugement de « vigoureuse fermeté », d’autant plus valable qu’il avait peu coutume de percer les idées préconçues quand elles pouvaient fournir matière à sa facile raillerie coutumière.

Ce n’est pas en inconscient, en emballé et en dupé, comme on l’a dit, qu’il accepte le poste de rédacteur à la Démocratie. Une lettre (du 31 juillet 1846) atteste la ferveur phalanstérienne et la solidité de ses convictions :


Les infâmes théories des économistes français et anglais prévalent dans le monde. Ceux-là disent : l’homme qui ne possède pas n’a pas le droit de vivre ; la société ne lui doit rien. Ceux-ci veulent empêcher les pauvres de se marier sous prétexte qu’ils commettent un crime social en faisant des enfants. Voilà les dieux de l’époque ! L’École sociétaire, dont je fais partie[1], a pour mission de combattre ces calomnies divines et humaines. Elle est venue fonder le droit du pauvre au travail, à la vie, au bonheur ! Elle a donné et donne chaque jour les moyens scientifiques d’organiser sur la terre la charité universelle annoncée par le Christ et depuis 20 ans sa devise est celle-ci : Vous êtes tous frères ! — Nous croyons qu’un nouveau monde est proche où l’on ne fera plus un crime à l’homme d’aspirer au bonheur selon ses facultés

  1. Il écrivait en 1845 : « Nous sommes tous phalanstériens, nous qui croyons aux destinées meilleures de l’homme et qui confessons la bonté de Dieu — artistes et hommes de science, nous tous qui savons que l’art et la science sont en Dieu et que le beau et le bien sont aussi le vrai. »