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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/202

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doute d’une loi d’amour, « mais d’un amour imparfait et insuffisant qui proclame le devoir du riche et non le droit du pauvre. Il y a donc un abîme entre la charité et le droit. » C’est à la glorification exclusive du principe de Droit qu’on devra l’association des intérêts, des travaux et des intelligences.

Le christianisme primitif a fait son œuvre, œuvre immense et admirable, recueillie et développée de siècle en siècle par les grands hérésiarques, et qu’il nous est enfin donné de continuer avec de nouvelles forces, avec une foi nouvelle, avec une science qu’ils ignoraient. Le principe évangélique contient un sublime pressentiment de la fraternité ; nous le sanctionnerons par le droit, nous le réaliserons par la justice. Et le jour où la charité disparaîtra de la terre, c’est quelle aura fait place au droit

Ces vérités ne sont point telles pour tous, nous le savons. Quels spectacles attristants les grandes nations européennes ne nous offrent-elles point ? Que font donc l’amour et la charité ? Le christianisme est-il donc impuissant à réfréner, à guérir, à transformer le mal ? L’Angleterre s’irrite que l’lrlande ait faim ; la Russie s’indigne qu’un peuple ne s’éteigne pas comme un homme, et que l’instinct de la vie, le sentiment de la dignité humaine et l’amour immortel de la liberté fassent battre encore un cœur percé de tant de coups. — Résignez-vous, disent l’amour et la charité, remerciez Dieu des maux qu’il vous envoie ; rendez à César ce qui appartient à César ! — Mais nous disons : l’air, le pain, la liberté, les fruits de nos travaux, notre repos et notre vie sont à nous[1] ! Que nous importe la résigna-

  1. Cette forme d’éloquence est toute tolstoïenne. Tolstoï et Leconte de Lisle sont chrétiens-primitifs. Seulement, Leconte a un tempé-