Aller au contenu

Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres et des souvenirs l’attestent —, il connut alors le contact de la masse, la sentit, et la pénétra ; il connut l’énervante douleur de ne pouvoir conduire autrui dans le plus sûr « chemin du Bonheur », l’amère saveur de s’en voir incompris et maltraité, le vertige de l’unité ardente d’intelligence et de foi devant la majorité brute et sombre de la foule entêtée. Il éprouva tout cela, livré à lui-même, sevré des relations avec Paris et, faute d’argent grâce au Club des Clubs, claquemuré dans une ville noirâtre, mesquine et réactionnaire. Des propriétaires, des maires et des ex-députés furent élus : représentation nullement socialiste, pas même républicaine[1].


Dinan, 30 avril 1848.
Mon cher ami,

Le citoyen Maron a dû recevoir une de mes lettres il y a 10 jours au moins ; ne vous l’a-t-il pas montrée, comme je lui recommandais ? Je me suis éreinté ici sans autre résultat que la fondation d’un Club républicain démocratique à Dinan ; et peut-être suis-je un des plus heureux parmi tous les délégués du Club révolutionnaire. Jacquemart est à Ploërmel dans la même situation.

Que le grand diable d’enfer emporte les sales populations de la province ! Vous vous figurerez à grand’

  1. Il convient de ne pas citer ici, même pour les relever, les expressions de M. Calmettes dans les pages où il conte cet insuccès politique : la lettre suivante donne l’atmosphère de ces journées avec le sentiment exact de l’effort, très dur, de Leconte de Lisle. M. Barrès a écrit du volume de M. Calmettes : « Volume très renseigné, mais bien fâcheux par sa complaisance à recueillir des anecdotes salissantes — les anecdoctes ne nous renseignent que sur celui qui les raconte. » Très renseigné, mais très mal renseigné.