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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/274

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à la poésie. Moins souple et moins accessible que les formes de polémique usuelle, son action serait nulle et sa déchéance plus complète. » Le compromis n’est point dans l’application de l’art à l’enseignement, mais dans la fausse application et dans l’assimilation, stériles. Il ne faut point se méprendre sur le sens et surtout la portée de telles paroles. Leconte de Lisle veut dire non pas que la poésie ne doit pas être du tout un enseignement, mais qu’elle ne doit pas devenir uniquement utilitaire, qu’il ne faut pas sacrifier l’art à l’utile, faire de l’art, comme il le dira en 1855, un formulaire de « périphrases didactiques » sur la merveille de la vapeur et de la télégraphie électrique[1]. « Le juste et le vrai ont droit de cité en poésie, mais ils ne doivent être perçus et sentis qu’à travers le beau » (1855). Ce n’est pas du tout vouloir abstraire de la poésie les passions humaines. Ne devait-il pas dire au contraire : « L’histoire de la poésie répond à celle des phases sociales, des événements politiques et des idées religieuses ; elle en exprime le fonds mystérieux et la vie supérieure ; elle est, à vrai dire, l’histoire sacrée de la pensée humaine dans son épanouissement de lumière et d’harmonie ». « Le beau n’est pas le serviteur du vrai, écrira-t-il encore en 1864, car il contient la vérité divine et humaine. » Contenant la vérité divine et humaine, il ne faut pas qu’il soit le serviteur de ce que nous

  1. Nous avons montré dans la Poésie et la science (Grande Revue, 1904) que, pour bien apprécier cette préface, il faut se rappeler qu’elle fut écrite en réponse, dédaigneuse mais très précise, aux pages agressives de Maxime Du Camp.