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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/445

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Et l’âme, qui contemple, et soi-même s’oublie
Dans la splendide paix du silence divin,
Sans regrets ni désirs, sachanf que tout est vain,
En un rêve éternel s’abîme ensevelie.


Jeune, il s’est senti comme une âme de fakir devant la splendeur de la nature créole :


Ravissements des sens, vertiges magnétiques,
Où l’on roule sans peur, sans pensée et sans voix !
Inertes voluptés des ascètes antiques
Assis, les yeux ouverts, cent ans, au fond des bois !


Comme on le taquinait pour savoir si l’auteur de Bhaghavât était réellement ou non allé dans l’Inde, il souriait et demandait s’il importait que Chateaubriand fût allé ou non en Amérique. Il conserva toujours la certitude d’avoir connu l’Inde pour l’avoir évoquée sous la lumière de son île.

La nature de Bourbon l’aida encore à peindre les solitudes américaines, même polynésiennes. On revoit les forêts créoles derrière la Forêt vierge du Nouveau-Monde ; le clair de lune créole se confond avec les clairs de lune africains dans Clairs de lune. La flore de Java est visiblement sœur de celle de Bourbon (la Panthère noire). Aussi, parce qu’il décrivait avec des couleurs chaudes et par des lignes précises les régions les plus différentes, on crut généralement et on écrivit qu’il avait beaucoup voyagé[1]. On ne sait exactement s’il voyagea en Asie et fit escale en Amérique : on peut seulement répondre de la richesse variée de son tempérament qu’il dut à la nature diverse de

son pays, on peut seulement constater que c’est

  1. Le premier, Thalès Bernard, dans la notice de Staaf, t. VI.