caractère[1], et par la richesse unique de son œuvre[2], Leconte de Lisle est un colonial. On peut dire que Leconte de Lisle a eu du génie parce qu’il était né à la Réunion[3], et que c’est parce qu’il est colonial que son génie a été et devra être si fécond pour la France : de tous les livres de vers du XIXe siècle les Poèmes barbares seront l’aliment le plus nutritif pour la jeunesse du XXe siècle. Récemment quelques rhétoriciens de 30 ans, prétendant à renouveler la poésie contemporaine, ont cru innover en proposant de fonder une école nouvelle qu’ils appelaient humanisme. Leur ignorance non seulement des sciences où l’esprit moderne doit trouver la matière et le ressort de grandes œuvres, mais encore de la tradition de la littérature française, les empêchait de voir que la France a toujours tendu à une globale expansion humaine et qu’il ne saurait plus y avoir aujourd’hui d’humanisme dans le sens classiciste où ils l’entendaient, mais, si l’on peut employer ce mot barbare, de panhumanisme, c’est à dire d’intégration dans le génie français des génies des autres races de la Terre.
La France est destinée, par le bénéfice de sa situation géographique toute particulière où les sols et les climats différents se composent le plus heureusement, et par la vertu de la race que détermina ce milieu privilégié, à être la nation