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Page:Leblond - Leconte de Lisle, 1906, éd2.djvu/78

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LECONTE DE LISLE

Un songe caressait ses yeux irrésolus,
Sa main tenait des fleurs ; il ne fallait de plus
Qu’un peu de solitude et, dans sa rêverie,
Elle eut semblé de loin la reine de féerie,
Quand l’ombre la relient pour voir, le long du bord,
Trembler dans l’océan les étoiles du Nord.
Et moi, le cœur séduit par cette enchanteresse.
Je ne pus m’éloigner ; mon œil, avec ivresse,
Contemplait tour à tour l’astre délicieux,
Et la vierge pensive entrouvrant ses grands yeux ;
Et ce beau souvenir, que rien ne décolore,
Me trouble, et même ici je me demande encore,
Lequel plus doucement m’émut et me charma,
Du bleuâtre horizon ou de la blonde Emma[1].



*

Il demeure chez Mlle Aubry (nom de famille créole), place des Champs. On ne sait s’il cède aux instances de son père touchant la nécessité de se perfectionner dans la flûte et le paysage, talents « essentiellement utiles à la position d’un jeune homme dans la société » et « dans la magistrature ». Il lui recommandait non moins vivement la danse et les armes. Et de fait, Charles, passionné pour le bal, y va souvent. Certain soir il arrive à la porte de la maison vers laquelle il se hâte, quand son manteau, soulevé par le vent, s’embarrasse entre ses jambes, une de ses socques reste dans la fange, il l’y rejoint, et voilà un bal manqué. Mais il ira la semaine prochaine valser chez M. Robinson. M. Robinson est un Anglais : il lui a été déjà donné

  1. Nous avons donné cette pièce intégralement pour permettre
    d’en apprécier raulhenlicité, puisqu’elle n’est pas signée.