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HENRI POINCARÉ

Dans la partie astronomique, a ajouté notre éminent confrère, M. Poincaré a montré beaucoup d’originalité ; ainsi, ses études sur la forme que va prendre une masse fluide en rotation et soumise à la pesanteur universelle l’ont amené à des théories très intéressantes sur la disjonction de la terre et de la lune et sur la formation des diverses étoiles variables ; ses travaux sur la stabilité du système solaire l’ont conduit, par la revision des calculs de Laplace et par une approximation poussée plus loin, à la preuve que la théorie, telle qu’elle fut formulée dès 1784, est absolument justifiée. Les trois volumes qu’il a publiés sur les nouvelles méthodes de la mécanique céleste font autorité parmi les astronomes.

Voilà bien des titres. Géomètre, physicien, astronome, vous étiez déjà, comme on nous le disait, « une des personnalités les plus qualifiées de l’Académie des Sciences pour entrer à l’Académie française » ; mais, de plus, vous êtes philosophe ; vous l’êtes par le tour habituel de votre esprit et par la direction donnée à vos travaux scientifiques ; vous l’êtes par l’étude directe à laquelle vous vous êtes livré des grandes questions qui l’ont l’objet de la philosophie : les notions d’espace, de nombre, de continuité, le rôle de l’hypothèse et sa nécessité pour le progrès de la science.

Les deux volumes où vous avez réuni certaines préfaces de vos livres scientifiques et divers articles publiés dans des revues, ont attiré un public peu sollicité d’ordinaire par de tels ouvrages : alors qu’ils ne semblaient accessibles qu’à des hommes ayant reçu une instruction spéciale et ayant, par un exercice journalier, contracté des habitudes d’esprit auxquelles se dérobaient les générations autrement cultivées, ils ont emporté un succès qu’on eût cru réservé aux romans scandaleux. Puisqu’il se trouve, pour prendre intérêt à des problèmes tels que vous les débattez en les illustrant d’exemples et de raisonnements mathématiques, un tel auditoire, il faut croire qu’une évolution intellectuelle, et peut-être sociale, s’est accomplie, à laquelle vous auriez singulièrement contribué. Par les seize mille exemplaires vendus de La Science et l’Hypothèse, vous avez atteint un personnel au moins décuple, et, à présent, par votre collaboration à certains journaux, vous vous proposez sans doute d’initier aux mystères de la haute philosophie scientifique la nation entière. Cela est un grand dessein.

Qu’ajouterait mon incompétence ? Pour me prouver que je suis moins capable de vous entendre que les huit cent mille lecteurs que vous improvisez vos élèves, tenterai-je de lire tout ce que vous avez écrit ? Hélas ! la bibliographie que de diligents disciples ont établie de vos œuvres est là pour me prouver mon impuissance. Les titres mêmes ne me disent rien que je comprenne et j’y suis submergé. Eu 1886, lorsque vous vous présentâtes à l’Académie des Sciences, cette bibliographie allait à cent trois numéros ; depuis vingt-deux ans, elle a crû de près d’un millier. On ne