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Page:Lebrun - Témoignage, 1945.djvu/156

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témoignage

Après avoir fait le tour du jardin pour m’assurer que les sentinelles avaient bien été relevées, je rentrai à mon cabinet et me remis au travail. Quand soudain, vers midi, un officier allemand armé d’un revolver, accompagné d’un soldat muni d’une mitraillette, entra dans mon bureau en coup de vent. D’une voix méchante et brutale, il me dit :

— Vous êtes monsieur Lebrun ?

— Oui, répondis-je.

— J’ai ordre de vous arrêter, suivez-moi !

En même temps un autre soldat, la mitraillette au bras, se tenait au jardin, devant la fenêtre, l’arme braquée vers moi.

J’ai peine à retrouver mes sentiments d’alors. Qui ne les eût éprouvés ? J’étais l’objet d’une agression inqualifiable, sans motif avouable, quelques instants après une mesure bienveillante de l’autorité italienne. Un criminel pris en flagrant délit n’eût pas été traité avec plus de rigueur, de brutalité, j’allais dire de bestialité.

— De quoi s’agit-il ? dis-je. Je ne comprends rien à ce qui se passe.

— Pas de discours ; suivez-moi. Vous avez deux minutes pour partir.

— Mais encore ! au moins dois-je emporter ce qui m’est nécessaire pour le voyage !

— Non, on vous le fera parvenir plus tard.

— Eh bien ! non, dis-je avec force, je prendrai ce qui me plaît.

Et je me dirigeai vers l’étage pour alerter ma famille.

Je pris une valise et me mis en demeure d’y placer divers objets. Le soudard (je ne puis employer d’autre mot) et l’agent du S. D. (Sicherheits Dienst) prenaient des objets au hasard et les jetaient dans ma valise d’un geste de colère. D’un geste non moins pressé, je les enlevais pour les remplacer par d’autres. Et toujours la même observation : « Allons ! hâtons-nous. » Et il appuyait son propos d’un geste de menace en portant la main vers son revolver. Pour un