la contre-partie d’un devoir. En vous écrivant aujourd’hui avec une franchise qui n’avait, je crois, rien d’indiscret ni d’inconvenant, je voulais seulement vous mettre en garde contre une détermination qui n’est pas prise et que je considérerais comme néfaste, non seulement pour la France, mais pour vous-même.
Page 424. — Il est regrettable que ces questions (voyage du roi des Belges en France) aient été réglées en dehors du président de la République. Je trouve qu’on aurait pu me consulter. Il importe peu qu’on en fasse voir de grises au président de la République, mais ce qui est plus grave, c’est qu’on peut désobliger le roi des Belges.
Ainsi apparaît sous la plume parfois amère, mais toujours sincère de Poincaré, la situation du président de la République.
Sans doute, sa sensibilité, très grande sous des dehors plutôt froids et sévères, a-t-elle été mise à une rude épreuve au cours de la guerre, notamment lorsqu’en 1914 il dut séjourner à Bordeaux et lorsque au printemps de 1918 le gouvernement envisagea à deux reprises le départ de Paris, lors de la poussée allemande sur Amiens et de l’avance foudroyante au delà du chemin des Dames. On comprend qu’il ait ressenti avec une vivacité particulière en de telles heures les critiques qui montaient vers lui, alors que sa fonction lui interdisait toute action directe sur la marche des événements.
Il n’en reste pas moins que ses appréciations sont fondées dans l’ensemble. Je ne puis que les faire miennes, ayant connu comme lui, à la veille et au cours de la guerre, mêmes préoccupations, mêmes soucis, mêmes servitudes.
Beaucoup de ceux qui liront les pages ci-dessus en éprouveront sans doute quelque surprise. Hé quoi ! diront-ils, est-ce là le rôle dévolu au chef de l’État, à l’homme qui, au terme et en hommage d’une longue vie publique, s’est vu honorer du titre de « Premier citoyen » ?
Oui, il en est bien ainsi ; il n’en saurait être autrement.