Manifestement la grande majorité du Conseil est opposée à cette proposition.
On se sépare en exprimant le désir d’entendre le Premier britannique à la prochaine réunion.
Je retiens à dîner le maréchal et le général dont les résidences sont très éloignées de Cangé. Il est près de minuit.
À noter que le matin de ce jour s’était tenu à Briare, au G. Q. G. français, un Conseil suprême auquel assistaient du côté anglais MM. Churchill, Attlee, et Eden. M. Churchill, mis au courant de la situation, exprima le désir d’être entendu à nouveau avant qu’une décision définitive fût prise.
Comme si les nouvelles du front de France n’étaient pas assez mauvaises, on apprend que le Duce a prononcé un discours au palais de Venise pour annoncer l’entrée en guerre de l’Italie.
Jamais il n’a mieux mérité que ce jour-là le nom de « César de carnaval ».
Il sait que le sort a été fatal à la France, que ses armées en retraite n’offrent plus qu’une faible résistance. C’est le moment que, courageusement, il choisit pour appeler aux armes « les hommes et les femmes d’Italie, de l’empire et du royaume d’Albanie ».
Il paraît que « les démocraties ploutocratiques et réactionnaires de l’occident ont, de tout temps, fait obstacle à la marche en avant et à l’existence même du peuple italien. » A-t-il donc oublié le sang français répandu à Magenta et à Solférino ? Ne sait-il plus que, dans des temps plus récents, des divisions françaises ont traversé en hâte l’Italie du nord pour apporter leur aide fraternelle aux troupes défaites à Caporetto ?
Mais qu’importent ces souvenirs. Il croit l’occasion propice ; comme le « chacal » (ainsi l’appelle M. Churchill), il se jette sur la victime terrassée par d’autres pour ravir sa part de butin.
Que peut penser aujourd’hui le même Duce, humble valet de la Wehrmacht ? La victoire annoncée s’est muée en une irrémédiable défaite. Qui plus est, son peuple, las de sa tyrannie, l’a vomi ; demain, il sera obligé de fuir le ciel