et les citoyens britanniques recevront la jouissance de la citoyenneté française. Un seul Cabinet de guerre sera chargé de la direction suprême. Les deux parlements seront unis formellement. M. Churchill doit venir le lendemain en France pour mettre ce programme au point et en arrêter les détails.
Les membres du Conseil éprouvent une grande surprise, une sorte de choc à l’audition de ce projet. Parvenu plus tôt, étudié à tête reposée, peut-être aurait-il trouvé quelque crédit. Mais, tombant comme une bombe dans une atmosphère si peu propice, il ne trouve, je dois le dire, qu’un accueil très mitigé malgré l’appui que lui apportent le président du Conseil et moi-même. Le maréchal Pétain le combat ; il n’y voit qu’un moyen de retarder la demande d’armistice. En fait, le projet tombe de lui-même, dans une sorte d’indifférence.
Lorsque la presse collaborationniste l’a connu plus tard, elle l’a attaqué. C’était, disait-elle, l’asservissement de la France à l’Angleterre. On pouvait penser au contraire que, dans l’état de faiblesse où se trouvait alors la France, le sacrifice dans la création de l’union indissoluble venait plutôt du côté de l’Angleterre.
La discussion se poursuit. M. Chautemps reprend sa proposition de la veille tendant à chercher à connaître les conditions de l’Allemagne en vue de la cessation des hostilités. M. Mandel réplique, disant notamment :
— Il y en a qui veulent se battre et d’autres qui ne le veulent pas.
M. Chautemps répond avec non moins d’humeur :
— Non, il n’y a ici que des Français également conscients de la grande détresse où ses revers militaires ont placé la France, et désireux de trouver les moyens les plus adéquats de l’en libérer.
Cet incident cristallise en quelque sorte les opinions. Les propos échangés, les réflexions des uns et des autres montrent qu’une majorité très nette s’est formée en faveur de la proposition Chautemps. Le président du Conseil s’en rend compte. Il me fait part de sa décision. Puisqu’il est mis en minorité, il déclare que le Cabinet est démissionnaire.