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les hommes désarmés et affaiblis, physiquement et moralement par plusieurs semaines de privations. Qui d’entre nous ne se souvient du moment de la distribution du pain, des défilés « tête à gauche » exécutés pour un hussard de la mort bouffi d’imbécillité ; sitôt notre trop maigre ration reçue, on nous obligeait à prendre le pas gymnastique pour arriver aux douches où fumait une soupe au goût et à couleur douteux, qui ressemblait surtout à la nourriture que l’on donne aux cochons dans nos campagnes, puisqu’on y mettait, à défaut de pommes de terre, les épluchures de celles de la cuisine des Allemands. Il n’y a aucune exagération dans ce que j’avance, et ceux qui ont vécu à Soltau confirmeront non seulement les faits, mais diront même que je reste en dessous de la vérité, la plume étant impuissante à décrire toutes les horreurs dont nous fûmes les tristes victimes.

Que dire des autorisations de fumer retirées le lendemain, ce qui permettait aux Allemands de rafler pipes, tabac, cigarettes et allumettes[1].

Et le poteau ! Ne l’oublions pas non plus ce supplice nouveau pour nous, digne d’un autre âge, où l’on prenait des bains de soleil ou des douches glacées les jours de pluie, où l’on était

  1. Ce qu’on nous confisquait aujourd’hui, on nous le revendait le lendemain, puis on confisquait à nouveau. C’est de cette façon que les boches faisaient marcher leur « bedide gommerce ».