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Et voilà que dans le silence
Épris l’un pour l’autre, tous deux
Avec une égale constance
Ont en secret les mêmes feux.

Au moment même où peut-être
Il pleure d’être né sans or,
Dans le domaine de son maître
Sylvandre apperçoit un trésor.
Ivre de joie, à cette vue
Il vole à Nice et lui fait part
De sa richesse innatendue.
Tous deux bénissent le hasart.

Mais après cet instant d’ivresse
Sylvandre, devenu rêveur,
Dit, en tremblant, à sa maîtresse :
« Je suis loin encore du bonheur !
« Quand je devrais être victime
« De mes sentimens délicats,
« Peut-on être heureux par un crime ?
« Ce trésor ne m’appartient pas.

« Nice, dans le champ de ton père
« J’ai trouvé ce riche dépôt :
« Il est à lui. Viens ma bergère.
« Il faut le lui rendre aussitot.
« — Ah, mon ami, de ce service
« Ah, puisse mon père enchanté
« Te destiner la main de Nice
« Pour prix de ta fidélité. »

Voici la réponce du père :
« Fidèle et loyal serviteur,
« Je veux bien doubler ton salaire,
« Mais chasse l’amour de ton cœur.
« Il me faut désormais pour gendre
« Un laboureur riche en moisson :
« Tu n’es que berger. Vas, Sylvandre.
« Retourne vite à tes moutons. »