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POÈMES ANTIQUES.


Les grands cerfs indolents, par les halliers mousseux,
          Hument les tardives rosées ;
Sous le dais lumineux des feuilles reposées
          Dorment les Sylvains paresseux.

Et la blanche Naïs dans la source sacrée
          Mollement ferme ses beaux yeux ;
Elle songe, endormie ; un rire harmonieux
          Flotte sur sa bouche pourprée.

Nul œil étincelant d’un amoureux désir
          N’a vu sous ces voiles limpides
La Nymphe au corps de neige, aux longs cheveux fluides
          Sur le sable argenté dormir.

Et nul n’a contemplé la joue adolescente,
          L’ivoire du col, ou l’éclat
Du jeune sein, l’épaule au contour délicat,
          Les bras blancs, la lèvre innocente.

Mais l’Aigipan lascif, sur le prochain rameau,
          Entr’ouvre la feuillée épaisse
Et voit, tout enlacé d’une humide caresse,
          Ce corps souple briller sous l’eau.

Aussitôt il rit d’aise en sa joie inhumaine ;
          Son rire émeut le frais réduit ;
Et la Vierge s’éveille, et, pâlissant au bruit,
          Disparaît comme une ombre vaine.