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NIOBÉ.

Le palais d’Amphiôn, aux portiques sculptés,
S’entr’ouvre aux lourds essieux l’un par l’autre heurtés.
Chaque héros s’élance, et les fortes armures
Ont glacé tous les cœurs par d’effrayants murmures.
Les serviteurs du Roi, sur le seuil assemblés,
Servent l’orge et l’avoine aux coursiers dételés ;
Et les chars, recouverts de laines protectrices,
S’inclinent lentement contre les murs propices.

Sous des voûtes de marbre, abri mystérieux,
Loin des bruits du palais, de l’oreille et des yeux,
En de limpides bains, nourris de sources vives,
De larges conques d’or reçoivent les convives.
L’huile baigne à doux flots leurs membres assouplis ;
De longs tissus de lin les couvrent de leurs plis ;
Puis, aux sons amoureux des lyres ioniques,
Ils entrent, revêtus d’éclatantes tuniques.
Ô surprise ! en la salle aux contours spacieux,
L’argent, l’ambre et l’ivoire éblouissent les yeux.
Dix nymphes d’or massif, qu’on dirait animées,
Tendent d’un bras brillant dix torches enflammées ;
Mille flambeaux encore, aux voûtes suspendus,
Font jaillir tour à tour leurs feux inattendus ;
Et la flamme, inondant l’enceinte rayonnante,
Semant d’ardents reflets la pourpre environnante,
Irradie en éclairs aux lambris de métal.
Comme un Dieu que supporte un riche piédestal,
Le divin Amphiôn, semblable au fils de Rhée,
D’un sceptre étincelant charge sa main sacrée,