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POÈMES ANTIQUES.

Sa voix harmonieuse était comme l’abeille
Qui murmure et s’enivre à ta coupe vermeille,
Belle rose ! et l’amour ondulait dans son sein.
Les bengalis charmés, la suivant par essaim,
Allaient boire le miel de ses lèvres pourprées.
Ses longs cheveux, pareils à des lueurs dorées,
Ruisselaient mollement sur son cou délicat ;
Et moi, j’étais baigné de leur divin éclat !
Le souffle frais des bois, de ses deux seins de neige
Écartait le tissu léger qui les protège ;
D’invisibles oiseaux chantaient pleins de douceur,
Et toute sa beauté rayonnait dans mon cœur !
Je n’ai pas su le nom de l’Apsaras rapide.
Que ses pieds étaient blancs sur le gazon humide !
Et j’ai suivi longtemps, sans l’atteindre jamais,
La jeune Illusion qu’en mes beaux jours j’aimais.
Ô contemplation de l’Essence des choses,
Efface de mon cœur ces pieds, ces lèvres roses,
Et ces tresses de flamme et ces yeux doux et noirs
Qui troublent le repos des austères devoirs.
Sous les figuiers divins, le Lotus à cent feuilles,
Bienheureux Bhagavat, si jamais tu m’accueilles,
Puissé-je, libre enfin de ce désir amer,
M’ensevelir en toi comme on plonge à la mer !



NARADA


Que de jours disparus ! Toujours prompte à la tâche,
Durant la nuit, ma mère allait traire la vache :
Le serpent de Kala la mordit en chemin.