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POÈMES ANTIQUES.

La profonde pensée et le secret du Sort,
Croit voir un Dieu couvert des ombres de la mort.
Cependant il se tait et respecte le sage ;
Nul orgueil de savoir ne luit sur son visage ;
Il attend que Khirôn, assouvissant sa faim,
L’invite à l’écouter et lui réponde enfin.
Le fier adolescent à la tête bouclée,
Fils de la Néréide et du divin Pélée,
Achille au cœur ardent, tel qu’un jeune lion
Qui joue en son repaire aux flancs du Pélion,
S’empresse autour d’Orphée et du sage Centaure.
Souriant, il leur verse un doux vin qui restaure ;
Puis, sur un disque, il sert un tendre agneau fumant
Et des gâteaux de miel avec un pur froment.
Parfois, le grand vieillard qui naquit de Phyllire
Et le roi de la Thrace à la puissante lyre
Admirent en secret cet enfant glorieux,
Le plus beau des mortels issus du sang des Dieux.
Déjà sa haute taille avec grâce s’élance
Comme un pin des forêts que la brise balance ;
Une flamme jaillit de son oeil courageux ;
Et, soit qu’il s’abandonne aux héroïques jeux,
Soit qu’il fasse vibrer entre ses mains fécondes
La lyre aux chants divins, mélodieuses ondes ;
Comme un nuage d’or, diaphane et mouvant,
À voir ses longs cheveux flotter au libre vent
Et sur son col d’ivoire errer pleins de mollesse ;
À voir ses reins brillants de force et de souplesse,
Son bras blanc et nerveux au geste souverain