Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
196
POÈMES ANTIQUES.

Du sein des flots féconds les humides vallées,
De nacre et de corail et de fleurs étoilées,
Sortaient, telles qu’aux yeux avides des humains
De beaux corps ruisselants du frais baiser des bains,
Et fumaient au soleil comme des urnes pleines
De parfums d’Ionie aux divines haleines !
Les cieux étaient plus grands ! D’un souffle généreux
L’air subtil emplissait les poumons vigoureux ;
Et plus que tous, baigné des forces éternelles,
Des aigles de l’Athos je dédaignais les ailes !
Sur la neige des mers Aphrodite, en riant,
Comme un rêve enchanté, voguait vers l’Orient...
De sa conque, flottant sur l’onde qui l’arrose,
La nacre aux doux rayons reflétait son corps rose,
Et l’Euros caressait ses cheveux déroulés,
Et l’écume baisait ses pieds immaculés ;
Les Kharites en rond sur la mer murmurante
Emperlaient en nageant leur blancheur transparente,
Et les Rires légers, dans leurs jeunes essors,
Guidaient la Conque bleue et ses divins trésors !

Ô vous, plaines d’Hellas ! Ô montagnes sacrées,
De la Terre au grand sein mamelles éthérées !
Ô pourpre des couchants ! ô splendeur des matins !
Ô fleuves immortels, qu’en mes jeux enfantins
Je domptais du poitrail, et dont l’onde écumante,
Neige humide, flottait sur ma croupe fumante !
Oui ! j’étais jeune et fort ; rien ne bornait mes vœux :
J’étreignais l’univers entre mes bras nerveux ;