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POÈMES ANTIQUES.

Dans la paix de leurs cœurs ne jetait point l’orage :
Ignorant les combats, ils taillaient au hasard
De leurs grossières mains de noirs abris, sans art ;
Et du sein de ces blocs où paissaient les cavales
D’inhabiles clameurs montaient par intervalles,
Cris des peuples enfants qui, simples et pieux,
Sentaient bondir leurs cœurs en présence des cieux.
Car les temples sacrés, les cités sans pareilles,
Les hymnes qui des Dieux enchantent les oreilles,
Dans le sein de la Terre et des mortels futurs
Dormaient prédestinés à des siècles plus mûrs.
Sur la haute montagne où s’allumait l’aurore,
Interrogeant les Dieux, qui se taisaient encore
Et dans mon jeune esprit prêt à le contenir
Déposaient par éclairs le splendide avenir,
Souvent je méditais, dans le repos de l’âme,
Sur ces peuples pieux, purs de crime ou de blâme,
Et je tournais parfois mes regards réfléchis
Vers les noirs horizons que le Nord a blanchis.

Cependant, Artémis, la Vierge aux longues tresses,
Menant le chœur léger des fières chasseresses,
Sur la cime des monts à mes pas familiers
Poursuivait les grands cerfs à travers les halliers.
Je rencontrai bientôt la Déesse virile
Qui d’un chaste tissu couvre son flanc stérile.
L’arc d’ivoire à la main et les yeux animés,
Excitant de la voix ses lévriers aimés,
Et parfois confiant aux échos des montagnes