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POÈMES ANTIQUES.

Où ton père, ô chère âme, éloquent et pieux,
Dans un dernier baiser t’a confiée aux Dieux !



HYPATIE.


Nourrice, calme-toi. Cette terreur est vaine :
Je n’ai point mérité la colère et la haine.
Quel mal ai-je donc fait ? Ma vie est sans remord.
Les Moines du désert, dis-tu, veulent ma mort ?
Je ne les connais point, ils m’ignorent de même,
Et de fausses rumeurs troublent ton cœur qui m’aime.



LA NOURRICE.


Non ! J’ai trop entendu leurs cris barbares ! Non,
Je ne m’abuse point. Tous maudissent ton nom.
Leur âme est furieuse, et leur face enflammée.
Ils te déchireront, ma fille bien aimée,
Ces monstres en haillons, pareils aux animaux
Impurs, qui vont toujours prophétisant les maux,
Qui, rongés de désirs et consumés d’envie,
Blasphèment la beauté, la lumière et la vie !
Demeure, saine et sauve, à l’ombre du foyer.



HYPATIE.


J’ai dans ma conscience un plus sûr bouclier.
Le peuple bienveillant m’attend sous le portique
Où ma voix le rappelle à la sagesse antique.
J’irai, chère nourrice ; et, bien avant le soir,
Tu reverras ta fille ayant fait son devoir.