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HYPATIE ET CYRILLE.

Subissant dans le Ciel les passions humaines,
Adorés du vulgaire et dignes de mépris ;
Mais tels que les ont vus de sublimes esprits :
Dans l’espace étoilé n’ayant point de demeures,
Forces de l’univers, Vertus intérieures,
De la terre et du ciel concours harmonieux
Qui charme la pensée et l’oreille et les yeux,
Et qui donne, idéal aux sages accessible,
À la beauté de l’âme une splendeur visible.
Tels sont mes Dieux ! Qu’un siècle ingrat s’écarte d’eux,
Je ne les puis trahir puisqu’ils sont malheureux.
Je le sens, je le sais : voici les heures sombres,
Les jours marqués dans l’ordre impérieux des Nombres.
Aveugle à notre gloire et prodigue d’affronts,
Le temps injurieux découronne nos fronts ;
Et, dans l’orgueil récent de sa haute fortune,
L’Avenir n’entend plus la voix qui l’importune.
Ô Rois harmonieux, chefs de l’Esprit humain,
Vous qui portiez la lyre et la balance en main,
Il est venu, Celui qu’annonçaient vos présages,
Celui que contenaient les visions des sages,
L’expiateur promis dont Eschyle a parlé !
Au sortir du sépulcre et de sang maculé,
L’arbre de son supplice à l’épaule, il se lève ;
Il offre à l’univers ou sa croix ou le glaive,
Il venge le Barbare écarté des autels,
Et jonche vos parvis de membres immortels !
Mais je garantirai des atteintes grossières
Jusqu’au dernier soupir vos pieuses poussières,