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LA MORT DE VALMIKI.

L’esprit ne sait plus rien des sens ni de soi-même.

Et les longues fourmis, traînant leur ventre blême,
Ondulent vers leur proie inerte, s’amassant,
Circulant, s’affaissant, s’enflant et bruissant
Comme l’ascension d’une écume marine.
Elles couvrent ses pieds, ses cuisses, sa poitrine,
Mordent, rongent la chair, pénètrent par les yeux
Dans la concavité du crâne spacieux,
S’engouffrent dans la bouche ouverte et violette,
Et de ce corps vivant font un roide squelette
Planté sur l’Himavat comme un Dieu sur l’autel,
Et qui fut Valmiki, le poète immortel,
Dont l’âme harmonieuse emplit l’ombre où nous sommes
Et ne se taira plus sur les lèvres des hommes.