Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes antiques.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
73
THYONÉ.

Mes grands bœufs phocéens de plaisir mugiront.
De la rose des bois je ceindrai ton beau front.
Ils sont à toi, les fruits de mes vertes corbeilles,
Mes oiseaux familiers, mes coupes, mes abeilles,
Mes chansons, et ma vie ! Ô belle Thyoné,
Viens ! et je bénirai le Destin fortuné
Qui, loin de la Phocide et du toit de mes pères,
Au pasteur exilé gardait des jours prospères.


IV


Jeune homme, c’est assez. Au gré de leur désir,
Les Dieux donnent à l’un l’amour et le loisir,
À l’autre les combats. La liberté sacrée
Seule guide mon cœur et ma flèche acérée.
Garde ta paix si douce et tes dons, ô pasteur !
Et ta gloire frivole et ton roseau chanteur ;
Coule loin des périls d’inutiles années.
Mais moi je poursuivrai mes fières destinées ;
Fidèle à mon courage, errante et sans regrets,
Je finirai mes jours dans les vastes forêts,
Ou sur les monts voisins de la voûte éternelle,
Que l’Aigle Olympien ombrage de son aile !
Et là, le lion fauve, ou le cerf aux abois,
Rougira de mon sang les verts sentiers des bois.
Ainsi j’aurai vécu sans connaître les larmes,
Les jalouses fureurs et les lâches alarmes.