Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
POÈMES TRAGIQUES.

La volonté de tous, mon frère, étant la même,
Tel est l’arrêt du Saint-Chapitre qui vous aime.
Selon la bonne règle et le commandement,
À genoux ! Confessez vos crimes hautement ;
Ouvrez-nous votre cœur et que le Diable en sorte ! —

L’autre dressa la tête, et parla de la sorte :

— Très révérend Abbé Hiéronymus, et vous,
Frères, juger en hâte est l’office des fous.
La meilleure harangue, en tel cas, est pareille
Au son vide du vent qui souffle dans l’oreille.
Oyez ! car il y va de mort ou de salut !
J’ai fait ce qu’il fallait et ce que Dieu voulut.
Quiconque veut nier la vérité, qu’il l’ose !
Oh ! Que d’ardentes nuits, dans ma cellule close,
M’ont vu veillant, priant, le front sur le pavé,
Plein de l’âpre désir du triomphe rêvé,
De l’éblouissement de l’Église éternelle,
Hors du monde et de l’ombre, et d’un coup de son aile
Emportant ses Élus dans les cieux rayonnants !
Que de fois j’ai meurtri mes reins nus et saignants
Pour que, de chaque plaie et de chaque blessure,
Mon âme rejaillît d’une vigueur plus sûre
Aux sources de la vie et de la vérité
Où l’homme aspire et dont l’homme est déshérité !
Que de fois, desséché d’une abstinence austère,
Assumant le fardeau des péchés de la terre,
Baigné des pleurs versés pour tous, ivre, éperdu,