Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
LE LÉVRIER DE MAGNUS.


L’arc vertébral tendu, nœuds par nœuds étagé,
Il a posé sa tête aiguë entre ses pattes,
Tel qu’un magicien l’eût en pierre changé.

L’ardeur du vaste feu brûle les dalles plates,
Mais il n’en ressent rien, et, quoiqu’il soit tout noir,
Il se revêt parfois de lueurs écarlates.

Au dehors, une nuit funèbre. On entend choir
La pierre des merlons, et tressauter la herse,
Et la tuile des toits dévaler et pleuvoir.

Par masses, et tantôt par furieuse averse,
Sans relâche et sans fin, lugubre effondrement,
La neige croule, pleut, tournoie et se disperse.

D’un suaire rigide elle étreint rudement
Le sol, les rocs, les bois, et le fleuve qui râle
Sous les glaçons qu’il rompt de moment en moment.

Et le vent fait courir sa plainte sépulcrale
Des caveaux du donjon à son faîte ébranlé,
Embouchant l’escalier qui se tord en spirale.

D’un rauque hurlement de cris aigus mêlé
Il emplit la crevasse ouverte à la muraille,
Et fouette le battant sur le gond descellé.

Il secoue aux piliers les grappes de ferraille,
Ou, parfois, accroupi dans les angles profonds,
Il pousse un rire amer comme un démon qui raille.