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LE ROMANCE DE DONA BLANCA.


— Jésus ! Ne puis-je au moins confesser mes péchés ?
Faites venir un clerc tonsuré qui m’envoie
Au Paradis, après ma douloureuse voie.
— Confessez-vous à Dieu, Madame, et dépêchez !

— Ô douce France ! ô cher pays où je suis née !
Jamais plus, ô beau ciel, ne te verront mes yeux !
Ô royale Maison des princes mes aïeux,
Dès mon aube pourquoi t’avoir abandonnée ?

Que t’ai-je fait, Castille ? et d’où vient mon malheur
Que mes seize ans n’ont pu t’attendrir et te plaire ?
Mais, hélas ! par un vent de haine et de colère
Ma rapide jeunesse est fauchée en sa fleur !

Pourtant, je n’ai failli d’acte ni de pensée
Envers ce Roi cruel qui me veut tant de mal.
Épouse, et vierge encor, comme au jour baptismal,
Ô Jésus ! je descends dans la terre glacée.

Et vous, Rayons vivants de l’éternel Flambeau,
Anges du Paradis, qui brûlez de saints zèles,
Dans la paix et l’amour emportez sur vos ailes
Mon âme immaculée au sortir du tombeau !

Maintenant, Dieu m’assiste ! Achève ma misère,
Ami ! Je te pardonne, ainsi que je le dois. —
Alors le meurtrier féroce, des dix doigts,
Prend le col délicat, frêle et doux, et le serre.