Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
LES ÉRINNYES.

TALTHYBIOS.

Images des vieux Chefs, Ombres échevelées,
Qui portez à pas lents sur l’épaule et le dos
Les forfaits accomplis, comme de lourds fardeaux,
Pourquoi m’envelopper d’un murmure de haine ?
Faces des morts couchés par milliers sur la plaine,
Et dans la nuit sinistre en proie aux chiens hurleurs,
Que me demandez-vous, ô Spectres, ô douleurs !


EURYBATÈS.

Hélas ! Que me veux-tu, charme de la patrie,
Jeune Vierge, au milieu des délices nourrie,
Qui croissais dans ta grâce et dans ta pureté ?
Ta chair blanche a saigné sur l’autel détesté !


TALTHYBIOS.

La Ville injurieuse est conquise, Dieux justes !
Vous avez renversé ses murailles robustes,
Couché la citadelle au niveau du sillon,
Et chassé vers Argos un morne tourbillon
De vaincus, vils troupeaux bêlant hors des étables !
Mais j’ai le cœur très sombre, ô Dieux inévitables,
Ô patients Vengeurs longuement suppliés !
Tous les crimes anciens ne sont pas expiés.


EURYBATÈS.

J’entends une rumeur qui roule, immense, et telle
Que la mer.