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LES ÉRINNYES.

Père, père ! Entends-moi dans l’argile trempée
De larmes. Tu n’as point, par la lance et l’épée,
Rendu l’âme au milieu des hommes, ô guerrier !
Comme il sied, le front haut et le cœur tout entier.
Un bûcher glorieux de grands pins et d’érables
N’a point brûlé ta chair et tes os vénérables ;
Et ta cendre héroïque, aux longs bruits de la mer,
Ne dort point sous un tertre immense et noir dans l’air.
Non ! Comme un bœuf inerte et lié par les cornes,
Et qui saigne du mufle en roulant des yeux mornes,
Le Porte-sceptre est mort lâchement égorgé !
Père, console-toi : tu vas être vengé !

Il verse la libation.


KALLIRHOÈ.

La clémence est semblable à la neige des cimes :
Immortellement pure en ses blancheurs sublimes,
Elle rayonne au cœur des sages, ses élus ;
Mais quand le sang la touche, il n’en disparaît plus :
La souillure grandit sans cesse, ronge, creuse,
Et la neige s’écroule en une fange affreuse.
Ô jeune homme irrité, laisse aux Dieux de punir !


ISMÈNA.

Non ! C’est dans le passé que germe l’avenir ;
C’est la loi qui commande à la race perverse
Qu’un sang nouveau, toujours, paye le sang qu’on verse ;
L’inévitable mal revient à qui l’a fait,