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LES ÉRINNYES.

Horrible ! Je le vois, rien ne le peut toucher,
Ce cœur inexorable et dur comme un rocher.
Mes supplications, sois content, sont finies…
Malheureux ! Je te voue aux blêmes Érinnyes,
Aux Chiennes de ta mère ! à l’éternel tourment
De boire, dans tes nuits d’horreur, mon sang fumant ;
Partout, de l’aube au soir, d’entendre sans relâche
Le râle de ta mère, et de fuir comme un lâche,
Farouche, pourchassé, misérable et maudit !
Arrête ! Attends encor. J’aurai bientôt tout dit.
Enfin, oui, sache-le. Que cela t’épouvante
Et redouble ta rage… Oui, monstre ! je m’en vante :
Le héros qui gît là dans son sang m’était cher !
J’ai tué l’Atréide, et j’ai coupé sa chair
Par morceaux ! Seulement ceci me désespère,
D’avoir manqué le fils en égorgeant le père !


ORESTÈS se jette sur elle et la tue.

Tiens ! Tiens ! Meurs donc ! Assez de hideuses clameurs !


KLYTAIMNESTRA recule en chancelant.

C’est fait… tu m’as tuée… Ah !

Elle tombe. — Se relevant à demi :

C’est fait… tu m’as tuée… Ah ! Sois maudit !

Elle retombe morte.


ORESTÈS.

C’est fait… tu m’as tuée… Ah ! Sois maudit ! Va ! Meurs !
Tu souillais l’air sacré que tout homme respire.