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POÈMES TRAGIQUES.


Ô gorges et rochers de Kala’t-al-Noçour,
Qu’Yblis le Lapidé vous dessèche et vous ronge !
Ce fulgurant éclair, plus rapide qu’un songe,
Qui du Hedjaz natal au couchant se prolonge,
La Gloire de l’Islam s’est éteinte en un jour !

Devant ton souffle, Allah, poussière que nous sommes !
Vingt mille cavaliers et vingt mille étalons,
Se sont abattus là par épais tourbillons ;
La plaine et le coteau, le fleuve et les vallons
Ruissellent du sang noir des bêtes et des hommes.

Le naphte, à flots huileux, par lugubres éclats,
Allume l’horizon des campagnes désertes,
Monte, fait tournoyer ses longues flammes vertes
Et brûle, face au ciel et paupières ouvertes,
Les cadavres couchés sur les hauts bûchers plats.

Allah ! dans la rumeur d’une foudre aux nuées,
À travers le buisson, le roc et le ravin,
Contre ces vils mangeurs de porc, gorgés de vin,
Nos vaillantes tribus, dix fois, toujours en vain,
Coup sur coup, et le rire aux dents, se sont ruées.

Et toi, vêtu de pourpre et de mailles d’acier,
Coiffé du cimier d’or hérissé d’étincelles,
Tel qu’un aigle, le vent de la victoire aux ailes,
La lame torse en main, tu volais devant elles,
Mohhâmed-al-Mançour, bon, brave et justicier !