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POÈMES TRAGIQUES.


Non ! l’épais tourbillon des aigles irrités
Mangera votre chair immonde à gorge pleine ;
Vous serez mis en quatre et tout déchiquetés,
Et les chiens traîneront vos lambeaux empestés
         Par le mont et la plaine.

Je ferai cela, Moi, le Talion vivant,
Puisque, ceignant vos reins pour l’exécrable tâche,
Au milieu des sanglots qui roulent dans le vent,
Vous avez égorgé, dès le soleil levant,
          Sans merci ni relâche.

Oui ! puisque vous avez, en un même monceau,
Comme sur un étal public les viandes crues
Du mouton éventré, du bœuf et du pourceau,
Entassé jeune et vieux, femme, enfant au berceau,
          Sur le pavé des rues ;

Puisque, de père en fils, ô Rois, sinistres fous,
D’un constant parricide épouvantant l’histoire,
Dévorateurs d’un peuple assassiné par vous,
De la Goule du Nord vous êtes sortis tous
          Comme d’un vomitoire !

L’heure sonne, il est temps, et me voici ! Malheur !
Flambe, ô torche ! Bondis, couteau, hors de la gaîne !
Taisez-vous, cris d’angoisse et sanglots de douleur !
Ô vengeance sacrée, épanouis ta fleur !
          Grince des dents, ô haine !