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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/109

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le prince ménalcas


LE DOCTEUR SCIENTIFICUS.

Les désirs de Son Alteste sont des ordres. (Il salue.) Monseigneur ! (Il sort.)

LE PRINCE MÉNALCAS, seul.

Il est huit heures, au moins, et Wilhelmine ne vient pas ! Pourvu que Scientificus ne l’ait point effrayée ! il en est bien capable, il est si laid ! – Ah ! qu’il fait bon et beau ! Une fois hors du palais, je respire à l’aise. C’est par un matin comme celui-ci que je rencontrai Wilhelmine pour la première fois. Elle revenait du marché en rossignolant, avec ses yeux bleus, ses lèvres roses, sa robe bariolée, son sourire joyeux, ses seize ans et toutes les belles fleurs qu’elle cueillait sur son passage ! Je l’aperçus à travers les grilles du parc, et je la saluai avec toute la grâce que je pus imaginer, en lui demandant de me vendre un peu de lait ; mais elle voulut me l’offrir, et cela avec tant de gentillesse, d’amabilité et de confiante bonté, que je restai tout honteux, embarrassé dans mes ridicules habits de prince, et plus intimidé, à coup sûr, qu’un écolier en faute devant son magister. Quant à elle, il paraît que, dès lors, je ne l’effrayai pas beaucoup, car elle babilla comme un oiseau, me laissa baiser sa petite main et promit de revenir tous les matins.