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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/12

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XII
préface

en Bretagne, il se réjouissait de rencontrer, dans les salons de Dinan, deux jeunes sœurs anglaises, Mlles Caroline et Mary Beamish, « vaporeuses et blondes », auxquelles il dédiait des pièces de vers sous ce titre transparent : Mens blanda in corpore blando.

Une telle persistance dans les aspirations sentimentales et plastiques dépasse la fidélité d’un cœur. On a souvent corrigé le proverbe : « Dis-moi qui tu hantes et je te dirai qui tu es » en cette forme équivalente : « Dis-moi qui tu aimes et je te dirai qui tu es ».

Celui qui, lorsqu’il prend les traits du jeune Ménalcas, évoque ainsi la petite paysanne qu’il préfère à toutes les princesses : « elle revenait du marché en rossignolant, avec ses yeux bleus, ses lèvres roses, sa robe bariolée, son sourire joyeux, ses seize ans et toutes les belles fleurs qu’elle cueillait sur son passage », celui qui a eu cette vision aime, en Normand, la Normandie elle-même.



Ces remarques peuvent servir de fil conducteur pour cheminer, sans se perdre, à travers les nouvelles qui composent ce recueil.

Et tout d’abord, elles permettent de sortir du labyrinthe, en apparence sans issue, qu’est ce conte, d’écriture médiocre mais de portée symbolique : Une Peau de Tigre.

En 1837, le poète, alors âgé de dix-neuf ans, avait quitté son île natale pour venir achever ses études en Bretagne. Au passage du cap de Bonne-Espérance, des lettres de présentation lui avaient ouvert la maison hospitalière d’un riche Hollandais. Ce négociant était le père heureux d’une de ces jeunes filles blondes que Leconte de Lisle préférait à toutes les beautés d’Afrique à cause de leur douceur, de leur mélancolie, de leur romanesque.