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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/145

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dianora

tournure martiale, fort enviés des hommes et aimés des dames. Mais Bonaccorso était veuf ; c’est pourquoi le bruit public disait que Puccinelli lui était préféré. Certes, ce n’était, en apparence, qu’une vaine rumeur ; car, de toutes les jeunes filles nobles de Lucques, nulle ne vivait dans une réserve plus chaste que Dianora. Sa tante était une femme d’un âge avancé, grandement pieuse et sévère, qui bien rarement quittait les côtés de sa nièce, et suivait d’ordinaire d’un œil vigilant ses moindres pas. Cependant le bruit public disait la vérité sans trop la savoir : Dianora et Puccinelli s’aimaient et s’étaient confié leur mutuelle passion. De son côté, Bonaccorso avait gagné le cœur de Mme Catherine de Castracani par une suite de flatteuses attentions si chères aux dames âgées, quand elles leur viennent de jeunes cavaliers. De sorte que Bonaccorso et Puccinelli, qui étaient amis, se cachant les ressources diverses qu’ils se ménageaient, nourrissaient une espérance pareille.

Un soir que les deux dames revenaient de prier à Saint-Martin, la vieille tante au bras de sa nièce dont un grand voile couvrait les cheveux tressés et les belles joues, elles rencontrèrent Bonaccorso et Puccinelli qui, par crainte l’un de l’autre, ne les abordèrent point. Quant aux autres cavaliers qui les saluaient respectueusement au passage, nul n’osait approcher ce trésor si bien gardé. Ces dames rentrèrent donc