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la princesse yaso'da


C’était un vieux roi d’une vertu lumineuse. Sa sagesse était profonde. Il remplissait avec une telle exactitude les devoirs sacrés de la loi, que Hery, le conservateur de l’univers, t’avait revêtu du titre de sra’dheva, le dieu des obsèques.

Rien n’était doux et rassurant pour le cœur des sages comme le regard bienveillant qui s’écoulait de ses grands yeux ; mais la race perverse contemplait en frémissant la ligne droite de son nez auguste, signe infaillible de l’inflexibilité de sa justice.

Or, le saint roi de Satyavrata se rendit un soir, vers la quatre-vingt-dixième année de sa vie, sur les bords de la rivière Critamala, pour y faire ses ablutions accoutumées.

Après s’être frotté les dents avec une branche de figuier, il dit : — Soma, seigneur des bois, roi des herbes, accorde-moi de longs jours, la force et la gloire, de grandes richesses, une postérité nombreuse, la vertu et l’intelligence.

Cela dit, il jeta la branche de figuier et se plongea dans la rivière en récitant la gayatri : — Eau divine, donne-moi le bonheur et la vue éclatante du Dieu suprême. — Eau sainte, fais-moi partager ton essence. — Eau éternelle, tu contiens la félicité sans bornes.

Puis, le pieux roi but une gorgée d’eau sans l’avaler, priant tout bas : — Roi du sacrifice, ton cœur est au milieu du large océan ; puissent les eaux salutaires le pénétrer !