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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/24

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XXIV
préface

que la piété littéraire de la Société normande du Livre illustré a voulu recueillir, ne font-elles pas penser à ces palettes de peintre que des amateurs passionnés collectionnent pour y relever des traces, toutes fraîches, de la « manière » de l’artiste ?

En effet, à travers cette captivante collection de récits, on peut découvrir l’ébauche de tout ce qui sera, un jour, la pensée et le génie du poète, à savoir la passion de la nature, la passion de l’histoire, la passion et la crainte de la femme, la passion et la pitié de la créature, l’engloutissement final des désirs et des apparences sensibles dans une philosophie qui submerge tout.

Ainsi, dès la première et juvénile manifestation de son activité littéraire, le poète se révèle tel que des forces, qu’on n’élude point, l’ont dégagé du bloc héréditaire, tel que ses rêveries, ses aspirations personnelles, l’ont déjà modelé. Dans l’incertitude philosophique, politique et littéraire de son temps, Leconte de Lisle se dresse vraiment comme un de ces phares, robustes et blancs, qui bordent les falaises normandes, qui explorent l’horizon de leurs feux tournants, qui entraînent, dans l’orbe de leur lumière, tout le palpitement de la vie ailée, et, qui, à travers les périls de la nuit et de la tempête, enseignent, aux tremblants navires, où est l’écueil et où est le port.


JEAN DORNIS.


Louveciennes, 17 juillet 1909.