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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/8

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VIII
préface

papiers de famille, — mais physiquement et moralement que Leconte de Lisle apparaît comme un type représentatif de ces Normands campés aux frontières du pays celtique qui à travers l’histoire donnent une si vigoureuse réplique aux Normano-Irlandais du Royaume-Uni.

Quand on compare les portraits que nous ont laissés de Leconte de Lisle, les écrivains et les artistes, peintres ou sculpteurs, qui l’entouraient, on constate que, dans tout ce qui est essentiel, ces images se ressemblent entre elles. Dépouillé de ce qu’il a de tout à fait personnel dans l’expression, de ce qu’il doit au reflet du génie, à la concentration perpétuelle de la pensée, le visage de Leconte de Lisle rappelle les traits d’un Mac-Kinley, c’est-à-dire d’un de ces normano-celtiques d’outre-mer qui tiennent de leurs origines les larges plans du visage, la structure noble et nette du menton, la claire expression du regard, derrière lequel on sent de la mysticité à la minute même où le dessin de la bouche révèle l’ironie.

Au moral, ce que Leconte de Lisle doit à ses atavismes de la Manche apparaît de façon plus éclatante encore.

… « Mon père », dit-il, dans une autre note dont le manuscrit est également entre nos mains, « est d’origine normande et bretonne ».

Ces deux hérédités se disputeront Charles Leconte de Lisle.

Autant, on le sait, le Normand est homme d’action, autant le Celte se contente de se laisser bercer par son rêve. Toute sa vie, le poète, tourmenté par ses atavismes normands, souhaite passer de la méditation à l’acte. C’est l’occasion de toutes les tentatives qu’il ébaucha pour aborder la vie politique. Il sent gronder en lui une éloquence, fille de sa conviction — disons-le, un goût normand de la parole harmonieuse — qui voudrait s’exprimer à la tribune.

Entre Racine, Parisien de culture, homme de cour, et l’intransigeant Corneille, qui a une croyance morale et littéraire