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Page:Leconte de Lisle - Contes en prose, 1910.djvu/89

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la mélodie incarnée


GEORGE.

Tout à coup, au plus fort de l’infernale cacophonie, comme un rayon de soleil qui se glisserait furtivement entre deux nuées d’orage, une vraie petite phrase musicale se mit à poindre insensiblement. L’oreille endolorie de Klein la saisit aussitôt, car son archet s’arrêta à demi, et la tête tendue pour s’écouter lui-même, il se mit à jouer con amore, comme dit il dilettante. — Mais avant de continuer, permettez-moi quelques mots préparatoires. Il est bien entendu que nous autres Allemands, nous comprenons parfaitement le sens intime de la musique, et qu’au besoin nous pourrions converser en rondes, blanches, noires et croches, tout aussi bien qu’en langage articulé.

JACQUES.

Mille chanterelles ! nous prends-tu pour des Gaulois ?

CARL, chante.

Si bémol, mi bémol pointé, sol croche, si bémol blanche, — ce qui veut dire clairement : Bri-se-du-soir.

GEORGE.

Si je ne parlais à des Allemands, je ne me risquerais pas