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CINQUIÈME STATION


Simon le Cyrénéen aide Jésus à porter sa Croix.



Vers l’aride montagne où son heure l’attend
Le divin Rédempteur s’avançait haletant.
L’arbre lourd de la croix rudement équarrie
Opprimait et blessait son épaule meurtrie ;
Ses pieds nus hésitaient entre les durs cailloux
Dont souvent l’angle aigu déchirait ses genoux.
Sans pitié, pour hâter sa démarche inégale,
Les soldats, le frappant de leur lance brutale,
Le heurtaient du poitrail des chevaux écumeux ;
Et le peuple, plus lâche et plus féroce qu’eux,
Insultant sa détresse et souillant son visage,
Excitait contre Dieu leur colère sauvage !

Or, le voyant sans force et loin encor du but,
Ces insensés craignaient que le Sauveur mourût,
Et qu’il leur enlevât une part de leur joie !
Comme des chiens lancés et hurlant sur la voie,