Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/208

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Debout près de la Croix, pâle et silencieux,
Ô Christ ! le Golgotha se dresse sous tes yeux,
Ainsi qu’il apparut dans sa forme première,
Lorsque tu fis jaillir le monde à la lumière,
Portant déjà, flétri, sinistre, à peine né,
Une empreinte fatale à son front décharné.
C’est lui ! Les os des morts laissés sans sépulture
Le couvrent du linceul de leur poussière impure,
Fange épaisse, séchée au soleil des étés,
Et qui vole au hasard dans les vents empestés ;
C’est l’horrible colline où tant de cris suprêmes
Sont montés de la croix avec de sourds blasphèmes ;
Où le sol a tant bu de misérable sang ;
Et que l’homme parfois se montre en frémissant,
Quand aux pâles éclairs d’une orageuse nue,
Elle détache au ciel sa tête morne et nue !

Martyr qui t’es offert, ô Christ, vois, c’est le lieu
Que tu purifieras sur terre et devant Dieu !
Et les siècles, saisis d’un respect unanime,
Se tourneront bientôt vers cette auguste cime,
Infâme encore hier, vil ossuaire humain,
Et, comme un saint autel, vénérable demain ;
Phare que saluera l’homme dans ses naufrages,
Et que n’éteindront plus les terrestres orages !

Après quatre mille ans, flots sur flots révolus,
Voici l’instant fatal tel que tu le voulus