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ONZIÈME STATION


Jésus est attaché à la Croix.



La foule, avec des cris d’anathème et de joie,
Parmi les rocs massifs comme un serpent ondoie,
Et, hurlante, couvrant le stérile sommet,
Demande qu’on l’attache à l’infâme gibet.
Ainsi, Jérusalem que le vertige assiège
A vomi de ses murs sa race sacrilège,
Et seule, sous le ciel, implacable témoin,
Entend gronder son peuple et l’applaudit de loin ;
Ignorante qu’un jour, pour d’autres funérailles,
Ce peuple sans merci, hérissant ses murailles,
Lui criera : Sois maudite ! et, fils dénaturé,
S’entre-dévorera sur son sein déchiré !

Sans qu’un soupir d’angoisse échappe de sa bouche,
Sur l’arbre de la Croix le Rédempteur se couche.
Il offre aux clous aigus, aux marteaux inhumains,
Ses pieds déjà meurtris et ses divines mains ;
Et, regardant les cieux sourds à son agonie,
Cherche son Père au fond de la voûte infinie.