Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/243

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soit absolument impossible que l’épopée renaisse un jour de la reconstitution et du choc héroïque des nationalités oppressives et opprimés.

Je n’ai nié aucune des époques de l’art. J’admire et je respecte les grands poètes qui se sont succédés depuis Homère ; mais je ne puis me dissimuler que leurs travaux se sont produits à des conditions on ne peut plus défavorables. Je crois que les Ioniens et les Latins possédaient deux idiomes bien supérieurs aux langues modernes en richesse, en clarté et en précision. Je crois, enfin, qu’à génie égal, les œuvres qui nous retracent les origines historiques, qui s’inspirent des traditions anciennes, qui nous reportent au temps où l’homme et la terre étaient jeunes et dans l’éclosion de leur force et de leur beauté, exciteront toujours un intérêt plus profond et plus durable que le tableau daguerréotypé des mœurs et des faits contemporains.

Je souhaite, en finissant, que l’aveu sincère de mes prédilections et de mes regrets n’arrête pas le lecteur au seuil de mon livre. À l’exception des deux poèmes qu’il contient, de quelques pièces grecques et d’un certain nombre d’études d’art, il n’est cette fois que trop personnel. Çunacépa m’a été inspiré par un épisode à peine indiqué du Ramayana, et le Runoïa, par les dernières lignes d’une légende finnoise, qui symbolise l’introduction violente du Christianisme en Finlande.

Quelle que soit d’ailleurs la destinée de ce livre, qu’il mérite ou non le succès inespéré de mon premier recueil, il sera le dernier d’ici à quelques années. J’espère achever, dans cet intervalle, un poème plus étendu et plus