Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/261

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que les larmes sont d’un usage constant et obligé dans l’école Lamartinienne. Mais qu’on ne s’attendrisse pas trop. Le cœur est dur si l’esprit est tendre. L’héroïque bataillon des élégiaques verse moins de pleurs réels que de rimes insuffisantes. Le goût public les encourage dans l’exercice de cette profession immorale dont le premier mérite est d’être à la portée de tous.

Dans les Harmonies, le souffle grandit, le vers est d’une trempe meilleure, mieux construit, plus sonore, moins sacrifié à l’ensemble de la strophe, la pensée s’élève et s’accentue. Il y a ici un éclat et un mouvement lyriques très supérieurs à tour ce qu’on admire dans les Méditations. C’est pour cela sans doute que les lecteurs enthousiastes mettent le Lac fort au-dessus de Novissima Verba. Ceci était inévitable. Le succès moins retentissant des Harmonies explique leur plus haute valeur d’art. L’assentiment général va d’instinct aux choses dont le relief ne dépasse pas le niveau commun. J’entends parler ici d’un public choisi, lettré, et qui, plus est, doué d’une certaine compréhension du Beau ; car les Méditations ne sont pas moins inaccessibles que les Harmonies elles-mêmes aux adorateurs du Dieu des bonnes gens. La célébrité de M. de Lamartine n’est point de la popularité. Un poète ne saurait être populaire, en France, qu’à cette inexorable condition de rimer des chansons à boire ou de combiner les palpitantes péripéties de quelque complainte immonde. L’espace où se meut l’imagination de M. de Lamartine s’étend bien au delà des perceptions de la foule ; mais, en revanche, il est familier à cet autre vulgaire mondain, pour qui la sphère de l’Art est fermée et