Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/79

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Tout un peuple hideux, noir, stupide, crépu,
Y fourmillait, hurlant et nous jetant des pierres ;
Mais qu’étaient de tels chiens entre nos mains guerrières ?
Moins que rien. Mieux armés, d’ailleurs, qu’auraient-ils pu ?

Cela fut balayé comme les feuilles sèches
Qui s’en vont tournoyant dans les airs obstrués ;
Et, pour ne pas mourir, les guerriers tatoués
Mangèrent ces chiens noirs hérissés de nos flèches.

Ce qu’il restait du lâche et vil troupeau ploya
La tête sous le faix pesant de l’esclavage,
Jusqu’au jour où, grondant sur ce même rivage,
Votre fatal tonnerre, ô Blancs, nous foudroya.

Et tous les miens sont morts. Et moi, spectre funèbre
D’un Chef vaillant issu d’ancêtres glorieux,
Je vais, vous mendiant ma vie, et dans mes yeux
L’aile du grand sommeil passe et les enténèbre.

Puisque les nations de l’univers ancien
Se dispersent ainsi, Blancs, devant votre face ;
Puisque votre pied lourd les broie et les efface ;
Si les Dieux l’ont voulu, soit ! Qu’il n’en reste rien !

Le murmure se tait qui parlait dans mes songes,
Écho lointain d’un temps à jamais aboli,
Et je bois l’eau de feu qui me verse l’oubli.
J’ai dit. Vous n’avez point entendu de mensonges. —