Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/85

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Ou d’entendre, parmi le fouillis des roseaux,
L’hippopotame obèse aux palpitants naseaux,
Qui se vautre et qui ronfle, et de ses pattes grasses
Mêle la vase infecte à l’écume des eaux.

Loin du bord, du milieu des roches erratiques,
Solitaire, dressant au ciel son large front,
Quelque vieux baobab, témoin des temps antiques,
Tord les muscles noueux de l’immuable tronc
Et prolonge l’informe ampleur de sa ramure
Qu’aucun vent furieux ne courbe ni ne rompt,
Mais qu’il emplit parfois d’un vague et long murmure.
Et sur le sol visqueux, hérissé de blocs lourds,
Saturé d’âcre arome et d’odeurs insalubres,
Sur cette mer livide et ces îles lugubres,
Sans relâche et sans fin, semble planer toujours
Un silence de mort fait de mille bruits sourds.