Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/52

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Je dis que le tombeau qui sur le corps se ferme
Ouvre le firmament,
Et que ce qu’ici-bas nous prenons pour le terme
Est le commencement.

Je conviens à genoux que vous seul, Père Auguste,
Possédez l’Infini, le réel, l’absolu ;
Je conviens qu’il est bon, je conviens qu’il est juste
Que mon cœur ait saigné puisque Dieu l’a voulu.


Enfin Musset, à qui quelques-uns, qui ne l’ont peut-être pas assez lu, reprochent de n’avoir chanté toute sa vie que la chanson de Chérubin à sa marraine, qu’il chantait fort bien d’ailleurs, enfin Musset qui avait dit :

Celui qui ne sait pas, quand la brise étouffée
Soupire au fond des bois son tendre et long chagrin,
Sortir seul, au hasard, chantant quelque refrain,
Plus fier qui Ophélia de romarin coiffée,
Plus étourdi qu’un page amoureux d’une fée,
Sur son chapeau cassé jouant du tambourin,
Celui qui ne sait pas, durant les nuits brûlantes,
Qui font pâlir d’amour l’étoile de Vénus,
Se lever en sursaut, sans raison, les pieds nus,
Marcher, prier, pleurer des larmes ruisselantes,
Le cœur plein de pitié pour des maux inconnus,
Que celui-là rature et barbouille à son aise ;
Il peut tant qu’il voudra rimer à tours de bras,
Ravauder l’oripeau qu’on appelle antithèse,
Et s’en aller ainsi jusqu’au Père Lachaise,
Traînant à ses talons tous les sots d’ici-bas ;
Grand homme si l’on veut, mais poète non pas.


Celui qui, à vingt-deux ans, faisait cette belle invocation a l’amour et à l’esthétique, six ans après, quand l’amour l’avait blessé, cherchant où se reprendre, s’écriait, après avoir répondu, sans réplique