Page:Leconte de Lisle - Eschyle (Lemerre, 1872).djvu/172

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Le Chœur des Vieillards.

Je rendrai grâces aux Dieux plus tard, car je désirerais entendre et admirer encore ces paroles, si tu voulais les redire.

Klytaimnestra.

En ce jour les Akhaiens sont maîtres de Troia. Je crois entendre les clameurs opposées qui emplissent la Ville. De même, quand le vinaigre et l’huile sont versés dans le même vase, la discorde se met entre eux et ils ne peuvent s’unir. Ainsi les vainqueurs et les vaincus poussent les cris discordants de leurs destinées dissemblables. En effet, les uns se jettent sur les cadavres des maris, des frères, des proches ; et les enfants sur ceux des vieillards. Ceux qui subissent la servitude se lamentent sur le destin de ceux qui leur étaient très-chers. Les autres, rompus par la fatigue du combat nocturne, et affamés, cherchent, confusément, le repas du matin, que la Ville possède. Selon le sort, chacun entre dans les demeures captives des Troiens, à l’abri des pluies et des rosées, et, comme ceux qui n’ont aucun bien, va s’endormir, sans gardes, pendant toute la nuit. S’ils respectent les Dieux protecteurs de la Ville conquise et leurs temples, les vainqueurs ne seront point vaincus au retour. Que la cupidité n’entraîne point tout d’abord l’armée aux actions impies, dans son désir du butin. En effet, il faut qu’ils reviennent saufs dans leurs demeures, en faisant de nouveau le chemin dangereusement parcouru. Si l’armée laissait derrière elle des Dieux outragés, la ruine des vaincus suffirait à éveiller la vengeance, même quand d’autres crimes n’auraient point été commis. Tels sont mes vœux,